Séjourner et raconter

di Gianluca Virgilio

Il serait intéressant, parmi les actes accomplis dans notre vie, de savoir lesquels résultent d’un libre choix ou, au contraire, d’une nécessité ;  de les mettre les uns et les autres sur les plateaux d’une balance et de voir de quel côté elle pencherait.

Partir ou rester : je n’ai jamais su si cela dépendait de la volonté ou de  la nécessité. L’appel plusieurs fois réitéré dans l’histoire récente : « Partez, partez, allez au Nord ! » rentre dans cette catégorie d’exhortations destinées à conserver les droits acquis que des gens bien en place se sont constitués. Méfiance ! Alors rester, mais pour faire quoi, si on n’en voit pas la nécessité ? Faisons comme les oiseaux migrateurs qui reviennent toujours et séjournent, sans cesser d’être migrateurs, ni plus ni moins !

Aller au Nord, séjourner au Sud ? Se déplacer vers l’Est ou vers l’Ouest. À vrai dire, les points cardinaux ont volé en éclats. Certains ont les moyens de prendre l’avion pour faire du shopping à New York ; la garde d’un vieux père est confiée à une Roumaine édentée ; chaque mercredi et dimanche après-midi, le centre-ville fourmille de Roumaines, de Polonaises, d’Ukrainiennes et de soupirants autochtones qui bourdonnent autour d’elles ; pour voisins, on a de très discrètes familles chinoises ; bien des couples stériles italiens ont ramené de Bolivie un ou deux bébés vraiment mignons à croquer ; et sur les côtes italiennes débarquent chaque jour, des Kurdes, des Syriens, des Afghans, des Africains, etc…, qu’on retrouve ensuite la main tendue à la sortie des supermarchés ou sur les plages chargés de pacotille.

Alors, en faisant abstraction de tous les mythes sur le Sud, voici ce qu’il conviendrait de proposer comme thème de réflexion : comment séjourner entre les points cardinaux ? C’est-à-dire comment être à la fois Chinois, Sud-Américains, États-Uniens, Africains et, raisonnant en fonction de ce que nous sommes, des Européens n’occupant plus une position centrale,  sans regrets et sans nostalgie d’aucune sorte.

Séjourner, faisant en sorte que le préfixe sé- (latin sub) n’implique aucune appartenance territoriale exclusive, aucune sorte de jus terrae qui n’existe nulle part, sinon dans l’arrogance du sédentaire qui se voit menacé par le migrant : agriculteurs contre chasseurs-cueilleurs. Hélas, nous qui séjournons au Sud, nous nous sommes armés jusqu’aux dents et sommes prêts, comme dans un fortin, à nous défendre contre les attaques des Indiens ; nous  envoyons des aumônes au sud de notre Sud pour apaiser les remords de notre conscience et nous nous répandons en lamentations lorsque le Nord nous laisse en arrière. En arrière par rapport à quoi ? Ce sont des comportements à m’ôter l’envie de séjourner au Sud. Ce sont des comportements excessifs, confinant à l’hybris. Et pourtant, on peut séjourner et on le doit, au moins pour mieux élever les enfants, s’occuper des anciens, honorer les morts.  Les jeunes et les adultes doivent aller et venir pour connaître des gens et des lieux et relater le meilleur de ce qu’ils ont appris dans toutes les directions. Puis, eux aussi, se faisant vieux, pourront à leur tour s’arrêter, et durant leur séjour raconter. Assurément,  la meilleure façon de séjourner, c’est de raconter.

Séjournons et racontons sans mythes, sans plaintes, sans armes, en regardant dans toutes les directions. N’écoutons pas celui qui nous inspire la crainte d’être exposé au monde et à la violence du passage de l’ennemi. C’est lui, l’ennemi. Séjournons sans peur, curieux de tout ce qui avance tout autour de nous, le long de la lointaine ligne d’horizon. De là, comme toujours, nos amis, tels des oiseaux migrateurs, nous rapporteront, à nous qui nous sommes arrêtés, les réponses justes.

[2014]

(Traduzione dall’italiano di Annie et Walter Gamet)

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