di Gianluca Virgilio
Naomi Klein, dans l’introduction de son ouvrage La Stratégie du choc : la montée d’un capitalisme du désastre (2007), définit la torture comme une métaphore de la logique qui sous-tend la doctrine du choc. La torture, nommée « interrogatoire coercitif » par la CIA, est un système de techniques conçues pour provoquer un état de choc et de totale désorientation chez les prisonniers, dans le but de les obliger à faire des concessions contre leur volonté.
Toujours selon l’auteur, la doctrine du choc imite ce processus à la perfection, cherchant à obtenir sur une vaste échelle ce que la torture obtient d’une seule personne dans une salle d’interrogatoire.
C’est ainsi que fonctionne le capitalisme du désastre : le désastre initial – coup d’état, effondrement des marchés, guerre, tsunami, ouragan – met toute la population en état de choc collectif. Pour rendre une société entière malléable, une pluie de bombes, des cris de terreur, des vents déchaînés sont plus efficaces que ne le sont la musique assourdissante et les coups en salle de torture pour affaiblir un prisonnier. De même que le prisonnier, terrorisé, dénonce ses compagnons et abjure sa foi, des sociétés peuvent, en état de choc, se résigner à perdre ce qu’autrement elles auraient défendu bec et ongles.
Dans un système économique empreint de capitalisme déréglementé tel que l’a théorisé Milton Friedman, « le grand gourou du capitalisme débridé » comme l’appelle Naomi Klein, la pratique du choc individuel dans les enquêtes où l’autorité inquisitoriale profite du désarroi du coupable présumé pour le faire avouer sous la torture équivaut à la pratique du choc collectif, dont profite le capitalisme pour conquérir sans cesse de nouveaux espaces au détriment des classes subalternes. Ainsi, au capitalisme qui torture la société correspond l’inquisiteur qui torture l’individu.
]Traduzione di Annie Gamet]