J’aspire au repos

di Gianluca Virgilio

« Le bonheur ? Ce serait le repos. Mais il est précisément incompatible avec la volonté »

Les pages immortelles de Schopenhauer, choisies et expliquées par Thomas Mann, édit. Corrêa, 1939

De tous les hommes de la terre qui cherchant la vérité la trouvent en Dieu ou en un système philosophique et se contentent de l’un ou de l’autre ; de tous ceux qui entassant richesses sur richesses en font une montagne en haut de laquelle ils voudraient prendre la pose satisfaits ; de tous ceux qui ambitionnant de meilleures carrières ne dorment pas la nuit pensant à la lourde tâche du lendemain, qui leur assurera succès, honneurs et places, petits trônes sur lesquels finalement s’asseoir ; de tous ceux-là je ne diffère aucunement concernant le but ultime à atteindre – et comment pourrait-il en être autrement ? Moi aussi j’aspire au repos.

J’aspire au repos dans le devenir précipité du monde, tandis que j’assiste avec une stupeur sans cesse renouvelée à la métamorphose des pensées et visions, aux innombrables changements qui surviennent chaque jour en nous et autour de nous. Me fussé-je endormi à l’âge dix ans et réveillé à cinquante-quatre, je ne reconnaîtrais pas les lieux de mon enfance. Tout entre-temps a changé et moi je ne suis plus moi.

J’aspire au repos non par indolence, apathie ou paresse mais par illusion naïve qu’à mon état de stase correspondra celui de toutes choses, la fin de leur devenir : arrêter le temps irréversible, faire de l’espace le lieu des choses intangibles, ne plus les souiller d’actions inconsidérées, leur permettre de durer et de se décomposer au rythme de leur nature. Dans la quiétude le battement du cœur ralentit et les yeux clos je peux m’imaginer passant à travers les murs des maisons tel un fantôme.

J’aspire au repos comme à l’impossible et à l’inaccessible, comme aspirent au repos tous les hommes, tant les discrets qui conservent les choses et s’efforcent de les laisser comme ils les ont trouvées, que les indiscrets qui les restaurent, simulant pour le temps une possibilité de revenir en arrière, ou bien usent, abattent et construisent pensant ainsi se moquer du temps qui passe : les uns et les autres, comme moi, aspirent au repos et selon toute apparence ils sont toujours très satisfaits quand, au moins pour un instant, ils ont cessé de travailler.

(Traduzione di Annie et Walter Gamet)

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