Zibaldone salentino (extrait 13)

di Gianluca Virgilio

Une langue n’est pas belle si elle n’est pas audacieuse. Se souvenir de l’affirmation de Leopardi (Zibaldone 2415) : « Une langue n’est pas belle si elle n’est pas audacieuse ». Et une page plus loin (2417-2418) : « Or qu’est-ce donc que cette audace, sinon la liberté de n’être ni exacte, ni mathématique ? (…) Par suite si une belle langue est une langue audacieuse et libre, elle est pareillement une langue inexacte et affranchie des règles dialectiques qui régissent les phrases, les figures et le discours en général. » (Éditions Allia, traduction par Bertrand Schefer, pp. 1056 1057).

Voilà ce qu’il faut : une langue audacieuse, audacieuse et libre ! Autrement dit, la langue doit être courageuse, l’écrivain doit être courageux : chose rarissime !

De grands changements dans ma bibliothèque. Pendant au moins trois décennies, c’est-à-dire depuis le moment où ma bibliothèque personnelle a commencé à prendre forme, j’ai rangé mes livres par discipline : les historiens avec les historiens, les philosophes avec les philosophes, les poètes avec les poètes, etc. Mais pendant la pandémie, me trouvant plus longuement parmi mes livres, j’ai détruit cet ordre dont il m’a semblé qu’il m’enfermait dans une cage, la cage des savoirs disciplinaires. Quel classement ai-je adopté pour mes livres ? Je les ai réunis de la façon la plus anodine qu’on puisse imaginer, simple esthétiquement et agréable à voir : par maison d’édition, les Meridiani avec les Meridiani, les Milleni avec les Milleni, la bibliothèque Adelphi avec la bibliothèque Adelphi, Il Mulino avec Il Mulino et ainsi de suite. Quant à ceux qui n’appartiennent pas aux collections prestigieuses, faute de place, je les ai rangés derrière les autres, ce qui m’ennuie beaucoup car je ne peux les voir qu’après avoir enlevé la rangée de devant. Il me faudra donc garder en tête l’endroit précis où j’ai placé chacun d’eux, si au besoin je veux les retrouver, sinon ils resteront là pour l’éternité. La rangée de derrière sera pour moi le banc d’essai de mes recherches et de mes préférences, de tout ce qui a éveillé mon intérêt et de mon intérêt actuel, resté intact ou disparu. Et la rangée de devant ? Ne répond-elle qu’à un critère esthétique ? Des livres tous semblables, bien présentés, disposés autour de moi comme une belle tapisserie dans mon bureau. Un savoir de belle apparence, agréable à la vue, mais qui ne dit rien de mes goûts en matière de classification. Un choix esthétique en tant qu’échappatoire, libération des savoirs disciplinaires, dont j’ai tenu à me défaire avec cette réorganisation de mes livres. Aujourd’hui, je vis au milieu de centaines de volumes bien rangés et alignés, qui se trouvent là, immobiles sur leurs rayonnages, qui n’ont plus l’air de dire présomptueusement : moi j’appartiens à la discipline de l’histoire, moi à la philosophie, moi à la littérature, etc. Ils sont là, à attendre que je vienne à eux, les enlever, pour le temps de la lecture, de la place que le sort leur a attribuée en vertu de leur appartenance éditoriale, et qui les rend identifiables au premier coup d’œil comme exemplaires d’une collection précise. Quant à moi qui vis au milieu d’eux, je me sens plus léger, libre de tout savoir disciplinaire dans lequel par irréflexion je m’étais enfermé, encore étonné de retrouver les mêmes auteurs dans diverses collections, et dans une même collection des auteurs si divers.

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