Le lointain

di Antonio Prete

La traduction est dédiée à Walter Gamet, dans le lointain et si proche pourtant.

Se trouver dans une situation de lointain : la source de l’émerveillement. Pour Dorothy, atteindre la cité d’Émeraude c’est traverser le lointain, emportant ses désirs avec soi, pas à pas : « Ah ! La route est longue d’ici à la cité d’Émeraude, observa le Roi. – C’est si loin qu’aucun de nous n’y est jamais allé ».

Le lointain est la ligne où le merveilleux peut apparaître, pour se retrancher tout aussitôt dans l’impossible : lieu de l’arc-en-ciel, fête du visible mais habitée de la menace de sa disparition. Inaccessible qui se pare de couleur et de proximité, pour se soustraire à tout chemin qui voudrait le désigner comme but. Ligne où le paraître côtoie le caché qui en est le rythme, la lumière est habitée par l’ombre qui la sous-tend, la présence se dissout dans l’absence. Le lointain est l’ailleurs qui prend une forme fluctuante, métamorphique, fugitive. Il est en nous cet ailleurs, il est comme le rêve d’un autre temps, d’un autre lieu : images qui nous permettent de traverser les jours sans que nous glace ce qui est déjà passé, qui nous permettent de marcher sur les chemins du monde sans que nous vienne la morgue de qui a déjà atteint le but.

Le lointain est ce que la présence exclut et que l’imagination représente : mouvement analogue à celui du souvenir, qui libère une image de l’oubli en la portant vers le figurable et la laissant en même temps enveloppée dans la lointaine nuée.

Par hantise et fascination du lointain, un jour on s’en va. Mais le pays où l’on va est toujours là-bas, non pas au bout du sentier mais au-delà : il se trouve dans la lumière de l’horizon qui, à chaque pas,  recule vers un seuil toujours indéfini. Il se trouve, ce pays, dans l’azur qui est la couleur du lointain, avec ses dégradés, opacité, transparence.

Ne pas abolir le lointain : mission de l’art. Surtout en ces temps qui ont fait du loin (tele en grec) une technique – la télématique – apte à rendre familier et habituel ce qui échappe à la vue, ainsi qu’aux autres sens. Technique en vertu de laquelle tout apparaît visitable, franchissable, proche. Le lointain n’est plus lointain, il revêt l’aspect ordinaire de l’ici et maintenant. Par chance, existe l’art qui permet de garder ouverts l’espace et le temps du lointain. Habiter le lointain, c’est être dans le présent, respirant l’air purifié de l’invisible. 

Transgressant toute contiguïté alphabétique, dans le dictionnaire de notre intériorité, trois lemmes accompagnent étroitement le terme « lointain ». Nostalgie : vague amère et douce d’un lointain qui ne nous appartient plus et qui pourtant continue d’être avec nous, éclairant ce qui nous entoure. Migration : âpre savoir du lointain, qui se confronte, douloureusement, à de nouveaux chemins et de nouvelles terres. Hospitalité : tutoiement qui s’épanouit sous le toit de qui a accueilli le lointain.

[Traduzione di Annie Gamet. Il testo in italiano è pubblicato in questo sito : http://www.iuncturae.eu/2020/05/07/lontananza/]

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