Zibaldone salentino (extrait 5)

di Gianluca Virgilio

Lire et écrire. Étrange sensation : quand j’écris il me semble ôter du temps à la lecture, quand je lis je pense devoir me consacrer plutôt à l’écriture. Si seulement il était possible, par miracle, de lire et d’écrire en même temps ! Mais c’est peut-être exactement ce qui se passe quand j’écris et quand je lis ! Et je ne m’en aperçois pas.

Nous sommes un segment de temps et d’espace. Chacun de nous n’est témoin que du tout petit segment de temps et d’espace où il vit. Lire beaucoup ou voyager peut donner l’illusion d’élargir sa propre maîtrise du temps et de l’espace. Et ainsi nous nous complaisons à rappeler ce qui semblait perdu dans les recoins de la mémoire : nous sommes heureux de ne pas avoir encore perdu le segment d’espace-temps qu’il nous a été donné de vivre.

La lecture et le pouvoir. La lecture est une pratique à la fois agréable et fatigante. Nous aimons apprendre des choses nouvelles, qu’elle seule peut nous faire appréhender ; mais elle requiert un engagement, elle suppose un effort intellectuel que nous cherchons à adoucir en nous installant dans un fauteuil confortable, en nous allongeant sur un divan ou dans notre lit. De toute façon, lire est toujours un acte complexe, le plaisir doit venir en récompense de la peine. Goûter d’avance une lecture, avoir envie de lire un livre mais ne pas le lire encore, oui, c’est un pur plaisir. Cependant ce plaisir semble s’altérer dès qu’on ouvre le livre et qu’on se soumet à cette pratique foncièrement antinaturelle. Dans l’évolution humaine, la lecture est un phénomène très récent (pas plus de 2500 ans), et encore plus récent si on la considère en tant que phénomène de masse (les caractères d’imprimerie de Gutenberg datent de 1450). Il serait intéressant d’enquêter sur le rôle qu’elle a joué et joue encore dans le grand processus de discipline des comportements et des modes de participation à la vie sociale des gens. On découvrirait que le pouvoir a utilisé et continue d’utiliser la lecture comme une stratégie pour isoler les gens, détourner leur attention sur les fictions littéraires, les immobiliser (on lit seul et sans bouger), modeler les esprits, donc rendre inoffensif le corps des lecteurs.

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